Sur les pistes entre Bolivie et Chili

N’allez pas croire que nous ayons de supers bivouacs tous les soirs. Mais voilà un exemple de ce que ça peut donner lorsque pas mal de bonnes conditions sont réunies, parmi celles-ci : caché de la route, beau paysage, abri du vent ou de la pluie si nécessaire, bois à disposition pour faire un feu, de l’eau tout près etc.

Nous passons la nuit sur le bord de la route, près d’un commissariat, et le lendemain matin fini l’asphalte, c’est parti pour plus de 15 jours de piste dans de la pampa désertique. On s’imaginait de grandes étendues plates, mais non à 4000 mètres d’altitude sur l’Altiplano, les routes sont bien vallonnées ! Par ici il n’y a pas grand monde, les paysages sont arides, immenses, traversés par des canyons et des forêts de pierres. On retrouve notre tranquillité, et on ne croise pas beaucoup de véhicules. Nous roulons 3 jours et demi sur les pistes boliviennes et petit à petit l’état de la route se dégrade : tôle ondulée, et piste de plus en plus sableuse dans laquelle on s’enfonce et on dérape… Dur dur de pédaler.

Sur l’Altiplano Bolivien la nature est rude. Froid glacial la nuit, soleil brûlant et aveuglant la journée et un vent terrible qui se lève dès le début d’après-midi et contre lequel il faut lutter pour avancer (car il arrive bien souvent de face ou de côté)…
Nous ne croisons pas grand monde, à part les lamas et les alpagas dans ces grands espaces désertiques. Mais cette nature rude est belle et nous y ressentons un grand sentiment de liberté.
Par contre, le peu de villages que l’on croise sont aussi rudes que la nature, et bien plus sinistres. Posés au milieu de nul part, constellés d’ordures, tout y est compliqué. Pas moyen d’y manger, pas facile de trouver de quoi se faire un pique-nique, à chaque fois c’est toute une histoire pour avoir quelques litres d’eau.
Pour y camper c’est possible, mais entre les ordures et les terrains de foot couverts de morceaux de verre, ça ne fait vraiment pas rêver.
Surtout les gens sont très bizarres par ici. Ils viennent autour de nous, nous observent, parfois se foutent de nous, mais ne parlent pas, ou à peine quelques mots quand vraiment on insiste.
Et les enfants c’est encore pire. Pas moyen de leur faire décrocher un mot. Que je regrette les petits Péruviens. Ils étaient souvent très mignons, dégourdis et venaient nous voir pour nous poser plein de questions… En fait qu’est ce que je regrette le Pérou !
Mais bon, je noircis un peu le tableau, nous rencontrons aussi quelques personnes bien sympathiques, avec qui nous pouvons discuter normalement. Je pense que nous avons traversé une région très pauvre, très isolée, pas du tout touristique, où les gens ont une vie rude et difficile.

En préparant l’itinéraire, Lolo avait lu qu’à ce niveau de la frontière Boliviano-Chilienne, les paysages étaient bien plus beaux du côté Chilien, nous avons donc décidé de passer la frontière pour quelques jours avant de revenir en Bolivie découvrir la région des salars. Et moi je suis trop contente de quitter ce pays ! Avant de passer la frontière nous faisons le plein de nourriture car côté chilien, pas de ravitaillement possible avant 4 jours, à Putre. Le problème c’est que les fruits et les légumes n’ont pas le droit de passer la frontière (pour éviter l’introduction de maladies des plants et parasites qui n’existent pas au Chili), et que comme c’est dimanche la boutique du petit village de Visviri est fermée. Mais une dame qui tient un restaurant nous dépanne en nous vendant quelques oignons et carottes payés en monnaie bolivienne.

Le climat est tellement rude sur l’Altiplano que la région 15, le Nord Chili, est très peu peuplé. Nous y croisons des hameaux abandonnés tombant en ruine et des villages fantômes. Presque toutes les maisons sont vides et les habitants se comptent sur les doigts d’une main. Mais l’état est très présent, et nous avons croisé des villages très surprenants : 5 habitants, un commissariat avec 7 carabinieros, une école avec 1 élève, ou un autre avec 4 habitants, une école et 3 élèves (vivants dans les fermes isolées de la pampa).
Du coup on rencontre peu de vrais « locaux », mais surtout des gens du sud qui sont là pour le travail.
Et même si ici les maisons sont toujours en terre, nous sentons bien que nous sommes dans un pays riche. Fini les déchets partout, quel bonheur de traverser des villages propres ! On nous offre des petits cadeaux : fruits, bonbons (et moi j’adore les cadeaux !), les gens s’inquiètent pour nous (n’a-t-on pas mal à la tête à cause de l’altitude ? A-t-on pensé à mettre de la crème scolaire ?).

On a beau avoir changé de pays, vu que l’on ne s’éloigne pas à plus de 50km de la frontière, le climat n’a pas changé et reste toujours aussi rude.
Notre record de température la plus froide au réveil est passé à -7°C, pendant la nuit on ne sait pas on ne se risque pas à sortir un bras du duvet pour attraper le compteur.
Mais le pire reste le vent. Il souffle tellement que nos drapeaux se sont envolés… On a faillit perdre nos Gwen A Du, mais on à réussi à les retrouver… Quelle horreur, heureusement nous sommes des bretons prévoyants, alors Mélanie, nous avons dû décrocher tes grands drapeaux Bretons et les ranger dans nos sacoches et on les a remplacés par les plus petits et plus solides offerts par Tata Annick !
Notre but du soir devient donc de trouver un abri contre le vent. Et pour cela le mieux c’est les ruines de maison de terre que l’on croise régulièrement. On devient aussi des pros pour faire des feux. Même si il n’y a pas d’arbres, il y a des petits arbustes morts qui fournissent du bois bien secs qui brûle bien. Qu’on est bien au chaud près du feu….
Les pistes elles aussi restent difficiles, avec portions plus sableuses, et toujours de la tôle ondulée. Ce n’est pas toujours possible d’admirer le paysage lorsqu’il faut se concentrer sur le pilotage, car oui c’est parfois du vrai pilotage comme sur le Dakar !

Mais on finit par arriver à Putre après avoir gravi le col le plus difficile du voyage, 1200 mètres de dénivelé en 20km de piste. Ça montait tellement raide que l’on a dû pousser. La petite ville de Putre est en fait touristique car c’est d’ici que partent les gens qui veulent visiter le salar de Surire.
Alors que l’on allait enfin retirer des pesos chilien on rencontre Ricardo, cyclotouriste qui tient un hôtel ici. Pour un prix défiant toute concurrence, on peut poser nos matelas dans une pièce et profiter des lieux communs (cuisine, salon, patio, accès wifi) et surtout, comble du bonheur il nous prête sa machine à laver!
La fin de journée passe vite car nous devons prévoir du ravitaillement pour 5 jours et réussir à caser tout cela dans nos sacoches…
Le lendemain matin nous devons faire demi-tour car la veille nous avons fait un crochet d’une vingtaine de kilomètres pour nous ravitailler à LA ville du coin. Et hier nous avons descendu descendu descendu, et trop la flemme de tout regrimper. Alors on sort nos pouces et comme ici les gens ont tous des pick-up, c’est facile. Première voiture qui passe et hop on est embarqué ! Facile ! D’ailleurs tous les pick-up sont rouges ici… et quand Lolo demande pourquoi, on lui répond que ça doit être pour mieux les repérer s’ils tombent dans le ravin !

Un magnifique parc naturel, où sur la pampa les vigognes et les volcans nous émerveillent. Mais aussi un drôle de parc naturel traversé tous les jours par plus d’une centaine de camions chargés de borax… En fait le salar de Surire est un salar exploité, on y extrait du borax qui sert notamment à fabriquer des produits ménagers. Et la piste qui le dessert traverse le parc naturel sur une centaine de kilomètres. Au petit matin les camions arrivent à vide et dès 10 heures, nous les croisons, la remorque pleine de borax. Pour une fois le vent est notre ami, il pousse leur poussière de l’autre côté de la route, et on a un succès fou avec les chauffeurs qui nous saluent tous et commentent notre avancée sur leur CB.
Au sujet des vigognes, lamas et alpagas, nous savons maintenant facilement les reconnaître :

• Lamas : rustres
• Alpagas : nounours
• Vigognes : élégantes, un croisement entre Sophie la girafe et Bambi

La pampa est plate et nous n’avons rien trouvé pour nous protéger du vent, alors on pousse jusqu’au village de Guallatire où l’on espère trouver un abri. On demande aux carabinieros (les flics Chiliens) où l’on peut se mettre, mais comme la nuit il fait -10 à -15°C ils ne nous laissent pas dormir dehors.
En moins de deux nous voilà auprès de leur énorme poêle, bien au chaud, et au programme, douche chaude, verre de vin,  repas partagé, discussion (mais que les Chiliens parlent vite et n’articulent pas ! Notre compréhension de l’espagnol en prend un coup !), et une nuit dans un vrai lit du dortoir ! Quelle chance !

Nous repartons direction le salar, mais la route est moins agréable car ce matin il y a des camions dans les deux sens et plein de poussière, mais la vue plongeante sur le salar nous récompense de nos efforts. Nous visions les thermes de Polloquere à l’autre bout du salar, mais la piste est mauvaise et nous n’aurons pas le temps d’y arriver avant la nuit. On s’arrête donc près d’une lagune. Le salar en arrière-plan, la lagune bleue remplie de flamands roses, des vigognes, une maison en ruine pour s’abriter du vent et du bois pour faire un feu ! Un bivouac de rêve.
Le matin on profite du lieu, et Loïc fait 12 kilomètres pour retourner chercher de l’eau car on ne pourra pas en trouver d’ici demain soir.
Puis nous nous mettons en route direction les thermes à 25km de là.
25 kilomètres plats mais supers durs. Après la tôle ondulée, c’est le bac à sable, on pousse fort sur les pédales, on tombe et on pousse les vélos… Ça peut être très long 3 kilomètres dans ces cas là.

On savait que l’endroit était magique et on n’est pas déçus. Au bord du salar, entourée de volcans, une eau bleue fumante tellement elle est chaude, c’est trop beau et c’est juste pour nous.
Mais le vent forcit, et il devient de plus en plus froid avec le soir qui tombe. Lolo peine à monter la tente, je suis frigorifiée à cuisiner dehors… Aucune envie d’aller barboter dans l’eau dans ces conditions. On se réfugie dans la tente, dégoûtés. En plus comme l’eau de la source est pleine de souffre ça pue l’œuf pourri, le vent nous ramène les odeurs…
Mais le lendemain on prend notre revanche, à notre réveil le vent a disparu : on passe directement du duvet à l’eau, d’où l’on voit le jour se lever. Super !
Sauf l’odeur d’œuf qui nous colle à la peau et qui a imprégné nos vêtements pour des jours et des jours…

Encore une journée difficile dans la pampa sur des pistes sableuses et de tôle ondulée avec le vent pour compagnon. La piste passe sur la frontière et on fait 2 kilomètres en Bolivie sans voir aucun douanier. On traverse un village de 30 habitants, un record, où l’on fait le plein d’eau, et quelques kilomètres plus loin d’autres thermes. Ici aussi c’est la classe, des tables de pique-nique, des murets pour protéger la tente, une eau chaude et limpide…mais toujours ce fichu vent.
Je craque, je vais nager malgré le froid, mais dur dur de sortir de l’eau…
Un fourgon arrive sur le site, c’est Camille et Damien, deux français voyageant en fourgon. On passe une très bonne soirée avec eux bien au chaud dans leur maison à roulettes.
Le lendemain matin c’est grand lavage dans les thermes : bain, shampoing, lavage de quelques fringues… L’eau a refroidi pendant la nuit et c’est vivifiant.
Nos habits mis à sécher en plein vent gèlent et on doit les décongeler au soleil. Heureusement nos voisins sont bavards.
Une petite matinée de pédalage, et sans grand enthousiasme de ma part on s’apprête à repasser en Bolivie….
Mais rassurez-vous, cette fois-ci ça sera beaucoup mieux !